Retour sur la session des officialités de février 2019

19 février 2019

La première journée de la Session annuelle de formation permanente des personnels d’officialités a été marquée, d’une part, par les allocutions introductives du Doyen Ludovic Danto et de Monseigneur Joseph de Metz-Noblat ; et par des communications autour de la question de l’enfant dans le constat de nullité et l’approfondissement de Mitis iudex Dominus Jesus, d’autre part.



Allocutions introductives


Dans son mot de bienvenue, le Doyen Ludovic Danto a situé cette session dans la suite du colloque de l’an dernier marquant le Centenaire de la promulgation du Code de 1917. Il a remercié les participants pour leur fidélité et leur soutien à la Faculté de droit canonique : cette fidélité se traduit par le nombre de plus en plus croissant de participants qui traduit un intérêt accru. Le Doyen se réjouit de cette participation qui est un bon signe car la lourde actualité judiciaire « réclame un engagement de tous, renouvelé et compétent ». Selon lui, le but de ces rencontres annuelles est « de nous former à une bonne administration judiciaire ».

Monseigneur Joseph de Metz-Noblat a souligné quant à lui que le rôle du Conseil pour les questions canoniques dépasse la question de la justice car l’Évêque a trois fonctions s’interpellant et interagissant l’une l’autre. Pour lui, dans chacun de ces domaines les évêques ont besoin d’être soutenu, conseillé et assisté : « il faut des conseillers juridiques auprès des évêques d’où sa reconnaissance et ses remerciements à l’endroit de tous les participants


1ère session. L’enfant de parents sollicitant un constat de nullité

La question de l’enfant a été abordée sous deux angles : l’aspect psychologique et l’aspect juridique.

Madame Bénédicte Lucereau a abordé l’aspect psychologique autour de trois points notamment des paroles d’enfants, l’impact psychologique et comment accompagner les enfants. Selon elle, dans les constats de nullité, le risque serait que des enfants se considère comme « le fruit d’un péché » et d’une union qui n’a pas existé. De son expérience professionnelle, Madame Lucereau a souligné que les enfants qui « sont encore des êtres en construction » souffrent déjà des disputes, de la séparation et du divorce de leurs parents. Comment éviter alors que la procédure de nullité ne soit une nouvelle occasion de souffrance pour les enfants ? « Comment faire pour que nos procédures de nullité ne soient pas un poids supplémentaire à cette montagne créée par le divorce de ces parents qui écrase déjà l’âme des enfants » ? Des démarches proposées par madame Lucereau, celle de la foi est importante. Car, si les parents sont apaisés et vivent la démarche dans la foi, les enfants feront de même ; ils ont donc besoin de cette aide spirituelle. En sus de cette question, L’intervenante souligne en passant le réel problème de la préparation au mariage.

Monsieur l’abbé Joseph Domingo, quant à lui, s’est appuyé sur le droit canonique, le droit civil et la convention internationale du droit de l’enfant pour souligner l’importance de la prise en compte de l’enfant dans toute la procédure de nullité.


2ème session. Approfondir Mitis iudex Dominus Jesus

Dans son intervention, monsieur l’abbé Albert Jacquemin a interrogé la cohérence et l’articulation entre l’article 14 du Motu proprio et le canon 1099. Selon lui, dans cet article 14, le Législateur canonique a indiqué une énumération des circonstances pouvant laisser la possibilité d’une procédure plus brève devant l’Évêque. Deux remarques s’imposent à ce niveau : la liste de ces circonstances n’est pas exhaustive et il ne s’agit pas de nouvelles circonstances de nullité. La liste de l’article 14 doit seulement être perçue comme la mise à jour d’éléments symptomatiques ou de marqueurs devant attirer l’attention du juge.

Monsieur l’abbé Clovis Dounla, quant à lui, a évoqué la figure du défenseur de lien dans sa fonction, ses prérogatives et son importance dans la procédure de nullité depuis Mitis iudex. Pour l’abbé Clovis, le Motu proprio n’a pas apporté de changement ni diminué le rôle du défenseur de lien ; il a même plutôt renforcé son rôle. Ainsi, depuis cette réforme l’obligation d’entendre le défenseur de lien avant la formulation du doute est désormais consacrée ; le défenseur de lien doit également présenter ses remarques même dans le cadre du procès bref et la sentence doit être notifiée au défenseur de lien qui peut l’attaquer. 


3ème session. La mission d'avocat ecclésiastique

Au deuxième jour de la session, les travaux de la matinée se sont déroulés sous la présidence de Monsieur l’abbé Cédric Burgun et ont porté sur l’approfondissement de quelques aspects de la mission de l’avocat ecclésiastique en deux conférences. Dans la première conférence, le Doyen Éric Germain a mis en lumière le rôle déterminant de l’avocat dans la phase du dépôt du libelle. S’appuyant sur son expérience d’avocat ecclésiastique à l’Officialité de Besançon, le conférencier a manifesté que le dépôt du libelle est l’aboutissement de riches échanges entre le demandeur et son avocat. Celui-ci doit s’efforcer, dès la première rencontre, de mettre son le demandeur en confiance, de comprendre le sens de sa démarche, de l’informer sur les contours et exigences de la procédure, d’examiner avec lui les potentiels chefs de nullité en fonction de son histoire et surtout de lui donner des indications pour la rédaction de son mémoire. Celui-ci ne sera désormais plus joint au libelle dont la rédaction est faite sous la vigilance de l’avocat qui s’assure que les dispositions du c. 1504 CIC sont satisfaites.

Dans la deuxième conférence, monsieur le chanoine Éric Besson a fait le point des réflexions au sujet de la déontologie propre de l’avocat ecclésiastique. Il en ressort que si l’impératif déontologique n’est pas encore parfaitement formalisé dans les documents normatifs de l’Église, il n’en demeure pas moins que la réflexion déontologique a toujours été présente dans l’Église en raison de l’exigence générale de cohérence entre sa doctrine et sa praxis. Aussi, en parcourant les différentes phases historiques de cette réflexion, le conférencier est finalement parvenu à dégager clairement quelques éléments déontologiques concernant l’avocat ecclésiastique qui sont contenus dans le droit actuel.


4ème session. « Mariage dispars et autres mariages … »

La quatrième session, sous la présidence du Doyen Ludovic Danto, aborde différentes questions sur le « Mariage dispars et autres mariages… ». Monsieur l'abbé Christian Paponaud établit le rapport entre préparation au mariage et constat d'invalidité du mariage. La préparation de mariage n'est pas seulement un simple entretien pastoral mais aussi une « instruction judiciaire ». Grâce à leur expérience du for, les canonistes sont souvent très bien placés pour enrichir les différentes approches de la pastorale familiale.

La deuxième conférence étudie le mariage des membres de la FSSPX depuis la lettre du 27 mars 2017 de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Une interprétation cohérente des différents textes récent de magistère est de considérer les membres de la fraternité saint Pie X, qu'ils aient été baptisés avant ou après le schisme, comme appartenant à l'Église catholique. C'est ainsi que l'Évêque diocésain peut accorder la faculté d'assister validement au mariage des personnes fréquentant la fraternité saint Pie X à un prêtre dit « régulier ». En l’absence d’un prêtre régulier, les prêtres de la fraternité saint Pie X peuvent aussi bénéficier d'une telle faculté. Le Révérend Père Bruno Gonçalves a souligné que, dans le cas où la faculté sera établie par un décret général, les dispositions de droit doivent être minutieusement respectées afin de ne pas accorder une faculté invalide alors que le texte de 2017 a pour but d'établir une célébration valide dudit mariage.

Enfin le chanoine Marc Guelfucci aborde la question sur la procédure de dissolution du mariage en privilège de la foi. Le lien naturel est intrinsèquement indissoluble. L’intervenant a détaillé sous quelles conditions il est possible pour l’Église de disjoindre extrinsèquement un mariage.


5ème session. L’enquête préalable au procès pénal

En commentant la norme établie par le c. 1717, le Révérend Père Philippe Toxé a rappelé que l’investigatio praevia était déjà connue du code pio-bénédictin qui édictait des normes plus détaillées que le code actuel puisqu’il en exposait la matière en 8 canons (cc. 1939-1946). L’enquête a lieu à partir du moment où l’Ordinaire a connaissance d’un possible délit (notitia criminis). Même si l’Ordinaire peut faire l’enquête par lui-même ou par une personne idoine, la doctrine préfère que l’Ordinaire, par un décret, la confie à une autre personne qui aura les mêmes pouvoirs qu’un auditeur dans un procès et, si le procès judiciaire est ensuite engagé, l’enquêteur ne peut y tenir la place de juge. Cette enquête préalable au procès pénal canonique pose un certain nombre de problèmes particuliers lorsqu’il s’agit de faits susceptibles d’être des infractions tant en droit canonique qu’en droit étatique. Dans ce cas, la saisine des autorités judiciaires étatiques peut suspendre et différer l’enquête canonique pour éviter que celle-ci soit perçue comme une tentative d’entraver ou d’influencer les victimes et les témoins.

L’abbé Nicolas de Boccard souligne que ladite enquête ne doit pas compromettre la bonne réputation des personnes suspectées (c. 220), l’Ordinaire devra faire donc preuve d’un grand esprit de discernement. Si le délit est notoire ou absolument certain, l’enquête préliminaire est inutile. Aux termes du c. 1718, quand les éléments réunis par l’enquête paraîtront suffisants, c’est-à-dire que le fumus delictis est jugé établi, l’Ordinaire décidera si un procès judiciaire ou administratif peut être engagé et s’il est expédient de le faire, Dans ce discernement, s’il le juge prudent, l’Ordinaire consultera deux juges ou d’autres experts en droit. Cependant, si le délit en question est réservé à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, l’Ordinaire en informera ce dicastère qui décidera de la suite à donner à l’affaire.

Que doit faire l’Ordinaire à l’issue de l’enquête préalable ? Selon la nécessité, le c. 1722 lui de prendre des mesures conservatoires dès que le procès est engagé. D’après le professeur Anne Bamberg, ces mesures préventives ne sont ni des remèdes pénaux ni des sanctions, mais des moyens prudentiels tendant notamment à empêcher des pressions sur les témoins : subornation, corruption ou d’autres graves dommages. Elles concernent la possibilité d’écarter l’accusé du ministère sacré ou d’un office et d’une charge ecclésiastique. Leur but est aussi d’éviter le scandale ou la récidive. Mais « écarter du ministère » n’équivaut pas à la révocation de l’office et « écarter d’une charge » ne correspond pas non plus à un renvoi. La mesure préventive administrative ne doit pas être une peine expiatoire ou médicinale qui ne peut être infligée sans procès pénal judiciaire ou administratif. La mesure préventive est une mesure administrative de mise hors-service que les canonistes américains appellent « administrative leave » (congé administratif).

Au demeurant, la procédure judiciaire respecte le droit de la défense, le principe de l’équité et de la prescription. Le chanoine Emmanuel Petit soutient que la prescription est l’écoulement du temps qui produit un effet de droit. En matière pénale, elle entraîne l’extinction de l’action. Il y a une double prescription : dans une action criminelle et une action exécutoire. Le délai de prescription est variable selon la gravité du délit allant d’un an à 5 ans. Mais les délais de prescription pour les délits qui relèvent de la CDF sont passés de 10 ans à 20 ans. Pour un délit commis par un clerc contre un mineur, la prescription commence à courir à partir du jour où le mineur a atteint l'âge de dix-huit ans (cf. Normae de Gravioribus delictis).


Comptes-rendus par des doctorants de la Faculté : 

l'abbé Davy Ghislain Bangue ; 

l'abbé Clovis Douanla Tankeu ; 

l'abbé Jean-Baptiste Ranaivoson ; 

l'abbé Thierry Joseph Abraham Sagna.