Les associations de fidèles : principales dispositions canoniques

06 juillet 2018

Outre l’existence des instituts de vie consacrée et des sociétés de vie apostolique, de nombreuses associations, dans les diocèses et les paroisses de France, ont été créées au cours du vingtième siècle soit pour œuvrer dans certains domaines de l’activité apostolique (colonies de vacances, patronages, monde sportif, monde de la culture, de la santé, activités caritatives, etc.), soit pour gérer des biens, en particulier des biens immobiliers, soit aussi les deux.

Sous le Code de droit canonique de 1917, en vigueur jusqu’à la promulgation du Code de 1983, les seules associations canoniquement reconnues étaient ou bien érigées directement par l’autorité épiscopale, ou bien, au minimum, fortement recommandées (louées) par ladite autorité (1). Pour cette raison, les associations créées dans le ressort de telle paroisse, ou de tel office (curé, vicaire), l’ont été au seul moyen de statuts civils (loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d’association, pour ce qui est de la France « de l’intérieur »).

Or, depuis le Code de 1983, le droit canonique associatif a considérablement évolué. Dans la mouvance du concile Vatican II, le législateur ne s’est plus basé exclusivement sur le seul principe de l’autorité épiscopale, mais aussi sur le droit inné des fidèles de se regrouper (2), au titre même de leur baptême, en associations possédant une existence canonique, pour poursuivre volontairement des fins d’évangélisation, en utilisant et en mettant en commun des moyens adéquats. L’attachement à l’église diocésaine étant réglé, en particulier pour ce qui concerne les associations privées de fidèles, par le principe de la vigilance épiscopale (3), laquelle vigilance appartient au pouvoir ordinaire de l’évêque.

Dans le contexte français de l’Église catholique, la nécessité de recourir à des statuts associatifs proprement canoniques ne s’est pratiquement pas faite sentir, jusqu’à une époque récente, pour deux raisons différentes mais contemporaines : d’une part, l’histoire, liée au contexte particulier de la France laïque, des associations créées avant la codification de 1983 ; d’autre part, l’émergence de communautés nouvelles.


Associations crées avant le Code de 1983.

Les premiers responsables de ces associations ont aujourd’hui vieilli ou disparu. Les années s’écoulant, la mémoire collective s’est quelque peu estompée. De nombreux pères fondateurs sont aujourd’hui décédés, et le lien entre la vie associative et la vie des paroisses et des diocèses s’est bien souvent distendu, jusqu’à, assez fréquemment, la rupture, volontaire ou non. En outre, les écrits et documents de référence (statuts originels, règlements, expression de la volonté des fondateurs, témoignages historiques, etc.) ne sont pas toujours faciles à rassembler.


Émergence de communautés nouvelles.

Après le concile Vatican II, bien souvent dans la ligne du mouvement charismatique, des groupes sont nés et se sont développés au sein de l’Église catholique, désireux de développer certaines formes de prière et de vie spirituelle, créant dans cette mouvance différentes formes de communautés de vie, parfois particulièrement actives dans l’attention à des populations pour lesquelles l’Église pouvait sembler lointaine. Le lien entre ces groupes, le tissu paroissial et l’autorité épiscopale se pose nécessairement.

La possibilité qu’offre la codification de 1983 permet de ré-envisager pour aujourd’hui et pour demain la vie associative, multiforme, dans l’Église catholique ; et surtout, à travers cette vie associative, le droit canonique actuel permet de mettre en valeur la participation diversifiée de tous les baptisés, en particulier des fidèles laïcs, à la mission universelle de l’Église.

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Il convient de noter, au passage, la spécificité de l’Association civile diocésaine, une seule par diocèse, qui n’est pas canoniquement une association de fidèles mais un moyen d’action, dans le contexte spécifique de la France, au service de l’Église particulière (diocèse) et de sa mission. L’Association civile diocésaine ressortit directement de l’évêque diocésain.

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Le droit canonique en vigueur actuellement opère une première distinction, entre communautés hiérarchiques (A) et communautés associatives (B), ces différentes communautés étant canoniquement des personnes juridiques (4).


A.- Communautés hiérarchiques

Les communautés hiérarchiques sont érigées par l’autorité ecclésiastique compétente indépendamment de la volonté des fidèles (par exemple : le diocèse, la paroisse, l’aumônerie, sont des communautés hiérarchiques). Elles sont déterminées par le droit universel de l’Église et le droit particulier du diocèse. Lorsqu’il s’agit de communautés appartenant à un diocèse, elles dépendent, directement ou indirectement, de l’autorité de l’évêque diocésain. Un exemple simple est celui de la paroisse territoriale : c’est l’évêque, en s’appuyant sur ses conseils, qui détermine la paroisse et qui en nomme le curé, et non les paroissiens qui en dessineraient les contours et en choisiraient le pasteur.


B.- Communautés associatives

Les communautés associatives sont, à l’inverse, constituées par la volonté libre des fidèles en vertu de leur droit d’association. Elles doivent cependant, pour exister dans l’Église catholique, obéir à certains critères et à certaines règles prévues par le droit, car une association ne peut pas à la fois prétendre appartenir à l’Église être en contradiction avec la foi et le message de celle-ci (5).

Les associations de fidèles ne peuvent pas non plus s’auto-qualifier de catholiques : il faut pour cela, au minimum, le consentement de l’autorité légitime (6).

Le Code de droit canonique de 1983 prévoit deux grands types d’associations de fidèles : les associations publiques (1) et les associations privées (2).


1.- Associations publiques de fidèles (cc. 301 ; 312-320)

Une association publique de fidèles est érigée par l’autorité ecclésiastique et peut agir publiquement au nom de l’Église. Elle possède de iure la personnalité juridique. De ce point de vue, l’association publique de fidèles est assez proche de la communauté hiérarchique.

Outre les communautés hiérarchiques, seules des associations publiques de fidèles peuvent poursuivre, éventuellement, des fins réservées à l’autorité ecclésiastique légitime, notamment l’enseignement de la doctrine et la promotion du culte public (7).


2.- Associations privées de fidèles (cc. 321-329)

Une réserve préalable s’impose ici : une association qui possède seulement des statuts de droit civil français (loi de 1901) n’est pas, canoniquement parlant, une association privée de fidèles, mais seulement un groupement de fait. Un tel groupement ne peut pas prétendre à des droits dans l’Église catholique. En général, l’exercice de la vigilance épiscopale sera déterminant pour ce qui est de la place des groupements de fait dans l’Église catholique.

Les associations privées de fidèles sont organisées librement par la volonté de leurs membres, restant sauf le principe de la vigilance épiscopale. Cependant, une association ne constitue jamais une fin en soi, mais demeure toujours un moyen au service de la mission de l’Église (8). La distinction entre fins et moyens est, à ce niveau et pour l’exercice de la vigilance épiscopale, un critère majeur de l’identité d’une association de fidèles.

Pour qu’un groupe puisse être érigé en association privée de fidèles, il faut que son objet corresponde à ce qui est prévu dans le droit canonique : certaines « activités d’apostolat, à savoir des activités d’évangélisation, des œuvres de piété ou de charité, et l’animation de l’ordre temporel par l’esprit chrétien (9). »

Il existe, en droit ecclésial, deux degrés d’existence canonique pour les associations de fidèles : la recognitio (a) et l’approbatio (b). Dans les deux cas, l’association concernée possède des statuts canoniques. Dans les deux cas également, l’association est soumise à la vigilance de l’évêque.


a.- Associations privées de fidèles avec recognitio (c. 299, § 3)

La recognitio est un acte par lequel l’autorité ecclésiastique reconnaît que telle association appartient à l’Église. Concrètement, il s’agit d’un simple enregistrement. Une association pourvue de la recognitio peut, sous réserve de la volonté de l’autorité légitime, être inscrite dans l’annuaire diocésain. Mais cette inscription ne constitue pas un droit, et surtout, la recognitio ne donne pas à l’association d’autre droit que celui d’être reconnue.


b.- Associations privées de fidèles avec approbatio (c. 322, § 2)

L’approbatio est un acte de l’autorité ecclésiastique compétente qui peut ouvrir à l’association un certain nombre de droits et de devoirs réciproques entre elle et ladite autorité, donnant à l’association une plus grande visibilité dans la sphère ecclésiale que la seule recognitio. Par exemple, une association avec approbatio, selon notamment le décret épiscopal d’approbatio et les statuts canoniques approuvés, peut, si l’autorité légitime le lui concède, disposer d’un droit de vote dans telle instance du diocèse (synode, conseil de pastorale, …).

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Dans beaucoup de diocèses, le dossier des associations privées de fidèles est très ouvert : l’histoire est riche, mais les relations canoniques et administratives entre associations et diocèse demandent à être revues et actualisées. In fine, il y va essentiellement de la mission de l’Église : annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus Christ à tous.


P. Hugues GUINOT

Chancelier du diocèse de Sens-Auxerre


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(1) Cf. CIC 17, cc. 684-686. Ces notions n’ont pas disparu dans le CIC 83 ; cf. c. 298, § 2.

(2) CIC 83, cc. 215 ; 298, § 1 ; 299, § 1 ; cf. Concile œcuménique Vatican II, décret De apostolatu laicorum sur l’apostolat des laïcs, n° 19.

(3) Cf. cc. 305 ; § 1, 323 ; cf. c. 1301, § 2.

(4) En droit canonique, une personne juridique s’apparente à ce que le droit français appelle personne morale. Une personne juridique est soit publique, soit privée.

(5) Cf. c 326, § 1.

(6) C. 300 ; cf. c. 312. Il convient de préciser que le consentement doit toujours être prouvé matériellement. Il doit donc être conféré par un écrit authentique, daté et signé.

(7) Cf. c. 301, §§ 1 et 3.

(8) Cf. De apostolatu laicorum, n° 19, al. 2.

(9) C. 298, § 1 (trad. courante) ; cf. cc. 299, § 1 et 301, § 1.

(10) Au sens juridique du mot acte : il s’agit d’un écrit signé de l’autorité compétente et authentifié par le contreseing du chancelier.