Colloque "François, législateur" (Beyrouth, Université La Sagesse, 31 mai - 1er juin)

08 juin 2018

Le colloque universitaire international consacré à l’activité législative du Souverain Pontife s’est déroulé du 31 mai au 1erjuin 2018 à l’Université de la Sagesse à Beyrouth. Ce colloque est le fruit de la collaboration de la Faculté de Droit canonique de cette prestigieuse institution académique libanaise et de la Faculté de Droit canonique de l’Institut Catholique de Paris, sous le haut patronage de Son Eminence le Cardinal Bechara Butros Raï, Patriarche maronite d’Antioche et de tout l’Orient.   

Rappelons que les origines de l’Université de la Sagesse remontent 1852, quand Mgr Toubia Aoun, archevêque maronite de Beyrouth a institué une première école à Ain Saadé. Erigée en Collège de la Sagesse en 1875 par Mgr Youssef Debs, en tant qu’Institut de Droit, cette institution dispensait un enseignement de Droit civil (notamment du Fiqh, jurisprudence islamique, à l’époque ottomane) et de Droit canonique. Cet établissement académique a été reconnu par l’État libanais en 1961 et érigé en Université en 1999. 

Le colloque sur la législation du Pontife régnant a été organisé avec la participation d’intervenants de la Faculté de Droit canonique de l’Institut Catholique de Paris, de l’Université Paris Sud-Saclay, de l’Institut Saint-Serge, de l’Université de Latran et de l’Université de la Sagesse. Son but était d’examiner l’élaboration de la norme législative sous le pontificat du pape François à partir des grands axes des réformes promues par lui : restructuration de la Curie, nouvelle répartition des compétences, crédibilité financière du Saint Siège, réforme du procès matrimonial et harmonisation du droit des Eglises Orientales et de l’Eglise latine, etc. 

Les travaux du colloque ont été ouverts par S. E. Mgr Paul Matar, archevêque maronite de Beyrouth et Chancelier de l’Université de la Sagesse, qui a souligné la responsabilité primordiale des évêques dans leur charge pastorale de salut des âmes, ce qui est la loi suprême de l’Église et le vecteur principal de l’interprétation de la législation canonique. Le R. P. Bruno Gonçalves, un des organisateurs du colloque, annonçant le programme, soulignait, que le pontificat présent est un pontificat de réformes, y compris dans le domaine canonique, dans la mesure où le pape François est le Pontife qui a apporté le plus de modifications dans le Code de Droit Canonique de 1983.


L’excursus historico philosophique du Prof. Boris Bernabé (Université Paris Sud - Saclay) sur le thème « Pontife Romain, législateur, notions génériques et approche historique » a tracé une rétrospective de l’exercice du pouvoir législateur des successeurs de Pierre à différents moments de l’histoire. Un des facteurs essentiels ayant permis aux papes de reconstruire leur légitimité de légiférer fut notamment la renaissance du droit romain. 

Faire la loi – c’est une réalité qui procède de l’intention : le Prof. Manuel Arroba Conde (Université Pontificale de Latran) a mis en lumière l’intention législative du Pape François. Le modus procedenti dans l’élaboration de la norme législative sous le pontificat actuel était présenté par le Prof. Patrick Valdrini (Recteur émérite de l’ICP), en se basant sur l’analyse des 28 Constitutions apostoliques, 17 Motu proprio et nombreux chirographes du Pontife actuel. La coopération des différents organismes, tel que les synodes des évêques, le rôle du Collège des cardinaux, des commissions et des conseils, ainsi que du conseil des cardinaux, créé par le Pape François a été également évoquée.

Quant à la réforme des structures curiales, le Doyen Ludovic Danto l’a présentée sous l’angle de la nouvelle répartition des compétences, en évoquant les structures nouvelles, créées par le Souverain Pontife. La dynamique vers une rationalisation des compétences et des dicastères a été commentée par le Prof. Emile Kouveglo (Université Pontificale de Latran) et la réforme de première urgence touchant la crédibilité financière du Saint-Siège par le Prof. Olivier Echappé (ICP).

La journée du vendredi 1erjuin a été consacrée à l’œuvre du Pape François en tant que législateur pour les Églises catholiques Orientales. L’introduction de certaines normes de la législation des Églises Orientales dans le Code de l’Église latine, comme une urgence due à l’émigration massive des chrétiens d’Orient et le danger de leur latinisation, a été présentée par le doctorant Gregor Prichodko (ICP). S. E. Mgr Hanna Alwan a présenté, à son tour, une analyse pratique de la réception et l’application du Motu Proprio Mitis et misericors Iesus dans le Patriarcat maronite. 

En ce qui concerne l’évaluation et l’originalité de l’œuvre législative du Pape François, un point de vue orthodoxe a été présenté par le Prof. Gregorios Papathomas (Institut Saint Serge). Le Prof. Bruno Gonçalves (ICP) a proposé la miséricorde comme clef de lecture des normes émanant du Pape François en prenant comme exemple les relations récentes avec la Fraternité St. Pie X. Le Vice-Doyen Cedric Burgun, a conclus les interventions du colloque par l’analyse de l’œuvre législative du Pape François en tant que vecteur éventuel d'une plus grande synodalité dans l’Église catholique. 

Le colloque s’est terminé avec une audience privée, accordée aux organisateurs et intervenants du colloque, par Sa Béatitude le cardinal Bechara Boutros Raï. Les échanges qui ont porté sur la législation ecclésiale et les enrichissements réciproques entre les Églises d’Orient et l’Église latine, ont débouché sur une réflexion au sujet de la synodalité, le concept cher à la réflexion du Pape, et de l’importance de la prise en considération de la longue expérience des Églises Orientales dans ce domaine. Ce qui ouvre la perspective à un colloque ou à des journées d’études consacrés à la synodalité. 


Père Gregor Prichodko, doctorant

Faculté de Droit canonique de l'ICP