Les différents tribunaux dans l'Eglise et leur compétence

29 mai 2018

Dès les premiers temps de l’Eglise, des évêques exercèrent un ministère de justice pour dire le juste et trancher des conflits, comme suite à la monition de l’apôtre Paul qui reprocha aux Corinthiens de porter leurs différends devant les juges païens et non à l’intérieur de leur communauté (I Cor.6,1-6). Ce même esprit fonde la législation actuelle sur l’activité judiciaire de l’Église, laquelle, après avoir rappelé le devoir de tout fidèle d’éviter les litiges et, au cas, de les résoudre pacifiquement, détermine le champ d’exercice de tribunaux ecclésiastiques hiérarchisés aux compétences définies avec précision, créés dans tous les territoires où l’Eglise est présente et à Rome, siège du Pontife romain, dont la primauté trouve, là aussi, une expression. Le livre VII du CIC de 1983 décrit les procédures qu’il faut y suivre concernant les choses spirituelles (par exemple le sacrement du mariage),  celles qui leur sont connexes (comme l’usage des biens ecclésiastiques) et la violation des lois canoniques qui entraînent un sanction.  

La clé du système judiciaire de l’Eglise catholique est l’évêque, ajoutons l’évêque diocésain. Il pourrait exercer sa fonction de juge lui-même ou, éventuellement, en déléguant une personne pour connaître d’une cause. Mais, sauf pour exiguïté d’un diocèse, il est contraint de constituer une fonction officielle de vicaire judiciaire ou, selon le terme utilisé avant le code de 1983, d’official, un prêtre qui juge en son nom et avec lequel il forme un seul tribunal diocésain. 

L’architecture des tribunaux en différentes instances permet que la sentence d’un tribunal de première instance, diocésain ou, quand les circonstances le requièrent, interdiocésain ou régional, puisse être appelée devant un tribunal de seconde instance. En général, la seconde instance a son siège dans le diocèse de l’archevêque métropolitain mais la sentence du tribunal de l’archevêque peut être portée en appel devant un autre tribunal diocésain dûment désigné qui devient un tribunal d’appel. De la sorte, sur un territoire défini, par un système circulaire, le système canonique permet qu’un tribunal de première instance juge en appel des sentences prononcées par le tribunal d’un autre diocèse ou d’autres diocèses réunis.

Cette règle s’applique alors que doit être sauf le principe selon lequel on peut à tout moment s’adresser au pape pour qu’il connaisse d’une cause juridique en raison de la primauté qu’il reçoit sur l’Eglise. Dans ce cas, sauf à créer un tribunal spécial, c’est la Rote romaine qui connaîtrait de cette cause. Ce tribunal, très ancien, qui a reçu son premier règlement en 1331 du pape Jean XXII, est composé de juges spécialisés qui, à coté de causes qui leur sont réservées comme celles qui concernent les évêques ou que lui remet le Pontife romain, jugent en première ou en seconde instance à la suite d’un appel dans des affaires qui ont été connues par des tribunaux inférieurs et quelquefois en instance successive car le droit canonique connaît le principe suivant : dans les jugements touchant le statut des personnes (par exemple les nullités de mariage et d’ordination), la qualification de « chose jugée » n’est jamais acquise et de nouveaux éléments pourraient demander une nouvelle étude judiciaire de la cause. 

À cette architecture de juridiction s’ajoute un tribunal romain appelé le Tribunal suprême de la Signature apostolique, lui aussi très ancien, qui reçoit des plaintes touchant la justice des sentences de la Rote romaine, règle des conflits de compétence entre tribunaux, organise la justice dans l’Église tout entière et, depuis 1967, connaît de recours contentieux administratifs contre des décisions de dicastères de la Curie romaine qui auraient violé une loi ou auraient provoqué un dommage. 

Enfin, au sein du Tribunal de la Pénitencerie apostolique, l’Église traite de questions dites de for interne, non connues de personnes autres qu’un fidèle concerné, dans le domaine sacramentel ou de la vie spirituelle comme des sanctions pour des délits occultes ou la réception de grâces spéciales. A cette architecture de tribunaux, s’ajoute un tribunal suprême au sein de la Congrégation pour la doctrine de la foi pour le jugement de cas réservés qui concernent les sacrements ou les délits de clercs vis-à-vis de mineurs.

 

Mgr Patrick VALDRINI, 

Doyen honoraire de la Faculté de Droit Canonique

Canons de référence : cann. 1400-1401, 1420,1446, 1417.