Qu'est-ce qu'une paroisse ?

26 mai 2018

Certains fidèles, laïcs, clercs et curés de paroisses, peuvent légitimement s'interroger sur l'organisation paroissiale. Il n'est pas question ici de répondre formellement à toutes les questions qui se posent dans le contexte actuel, mais plutôt de saisir l’opportunité pour rappeler quelques fondements : le droit canonique et son ecclésiologie peuvent nous y aider. Pour ce faire, revenons dans un premier temps à ce qui est inscrit dans le Code de droit canonique au sujet de la paroisse, ce qu'elle est, ce qu'elle doit être (A). Puis, dans un second temps, nous en évoquerons rapidement des éléments de l'ecclésiologie sous-jacente à partir des sources canoniques authentiques (B).

A. Principaux canons sur la paroisse dans le Code de 1983

Le canon 304, § 1, impose à chaque Église particulière (diocèse) d'être « divisée en parties distinctes ou paroisses. » La paroisse ne peut donc pas être comprise sans sa relation organique au diocèse. L’Église particulière n'est pas la paroisse : c'est le diocèse, avec à sa tête l'évêque diocésain (En droit canonique latin, les termes diocèse et Église particulière sont pratiquement équivalents, à quelques exceptions près ; en territoires de mission le vicariat apostolique ou la préfecture apostolique sont également des Églises particulières). De ce point de vue, c'est en diocèse qu'on fait Église, et c'est pour « faire diocèse » à l'échelon le plus local, qu'on se rassemble en paroisse. Or, un problème récurrent est que, parfois, les fidèles réagissent à l'inverse, comme si l’Église locale était la paroisse et le diocèse une sorte de fédération voire de conglomérat de paroisses.

Il est utile ici de se rappeler le sens du mot « paroisse » : du bas latin parochia (grec paroikia), le mot paroisse signifie « littéralement 'ensemble des maisons voisines' […]. Depuis le Moyen Âge, la paroisse est un village, hameau ou quartier formant le territoire que dessert un curé. » (Xavier RENARD, Les mots de la religion chrétienne, Paris, Belin, 2008, p. 376). Le mot pa-roisse contient donc une notion de voisinage, de proximité : autrement dit, pour qu'il y ait communauté chrétienne, un minimum de relations sociales entre les personnes est néces-saire. Il faut aussi que le curé à qui la charge de la paroisse est confiée, puisse identifier cette communauté. Dans la restructuration territoriale, il faut donc s'interroger sur les limites géo-graphiques, lesquelles doivent demeurer raisonnables, telles que le pasteur et les fidèles qui contribuent à l'exercice de la charge ne se trouvent pas placés aux antipodes des réalités locales.

Dans le CIC 83, c'est le canon 515, § 1 qui définit la paroisse : « Une paroisse est une com-munauté déterminée de fidèles, constituée durablement au sein de l’Église particulière, dont la charge pastorale, sous l'autorité de l'Évêque diocésain, est dévolue à un curé, pour qu'il en soit le pasteur propre. » Le canon 515, § 1 est normatif : à chaque paroisse est attribuée un curé, titulaire de la charge pastorale (Cette norme peut toutefois connaître des exceptions prévues par le droit, que disposent certains canons : plusieurs paroisses voisines confiées simultanément à un même curé (c.526, § 1) ; paroisses confiées à des prêtres in solidum (c. 517, § 1) ; etc). Pour correspondre à cette norme, le conseil presbytéral travaille, sous la houlette de l'évêque (cf. c. 515, § 2), à la restructuration du tissu territorial.

Pour mémoire, le canon 518 précise que « la paroisse sera, en règle générale, territoriale » mais prévoit aussi l'érection, à la discrétion de l'Évêque diocésain, de paroisses dites personnelles, c'est-à-dire constituée non plus en fonction du territoire, mais selon « le rite, la langue, la nationalité de fidèles », etc. Par exemple, l'Évêque peut décider de créer, dans son diocèse, une paroisse catalane, pour laquelle il désignera un pasteur propre.

Enfin, le canon 515, § 3, dispose que « La paroisse légitimement érigée jouit de plein droit de la personnalité juridique » (est appelé personne juridique en droit canonique pratiquement ce qui est appelé personne morale en droit français). La paroisse est canoniquement une personne juridique publique par disposition du droit lui-même. Cela signifie notamment :

- La paroisse est sujet de droits et d'obligations, érigé à des fins spirituelles et pour la mission de l'Église ;

- C'est le droit universel qui définit ce qu'est et doit être une paroisse, non quelque « concession spéciale » (c. 114, § 1 / CIC 83), et non quelque arrangement local ;

- La charge de la paroisse est confiée par l'autorité compétente (l'Évêque diocésain), et non choisie par le curé ou par des fidèles ;

- La paroisse dispose de moyens financiers et d'un budget propre qui, dans les limites du droit, est élaboré en « Conseil paroissial pour les affaires économiques » (c.537 ; Directoire pastorale pour le ministère des évêques (DPME), Paris, Artège, 2013, p. 307 (n°210).

- La paroisse n'est pas une communauté associative, mais une communauté hiérarchique : sa mission découle de la mission de l'Évêque diocésain.

B. Sources authentiques et ecclésiologie sous-jacente

Concernant la nature et la définition de la paroisse, le canon 515, § 1 est le plus fondamental. C'est donc de ce canon qu'il convient d'examiner les sources.

1. Sources conciliaires du canon 515, § 1

Outre les canons correspondants du Code de 1917, les sources conciliaires authentiques – Vatican II - du canon 515, § 1 du Code de 1983 sont :

- La constitution Sacrosanctum concilium sur la sainte liturgie (SC), n° 42 ;

- La constitution dogmatique Lumen Gentium sur l'Église (LG), n° 26 ;

- Le décret Christus Dominus sur la charge pastorale des évêques (CD), n° 30 ;

- Le décret Apostolicam actuositatem sur l'apostolat des laïcs (AA), n° 10 ;

- Le décret Ad gentes divinitus sur l'activité missionnaire de l’Église (AG), n° 37.

2. Ecclésiologie sous-jacente (commentaire des sources)
2.1. Le curé coopérateur de l'évêque

L'ecclésiologie du canon 515, § 1 est fondée sur le ministère de l'évêque qui, comme successeur des apôtres, est « revêtu de la plénitude du sacrement de l'ordre » (LG 26). L'Église est apostolique : c'est par l'épiscopat que la tradition est perpétuée. Pour cette raison les communautés paroissiales sont avant tout « membres du diocèse » (CD 30) et par là « de tout l'Église universelle » (CD 30). C'est pourquoi le nom du Saint-Père et celui de l'Évêque diocésain sont prononcés au cœur de chaque prière eucharistique.

Comme la paroisse est organiquement attachée au diocèse, le curé est attaché à la mission épiscopale. Le rôle des curés, comme « coopérateurs de l'évêque » et comme « pasteurs propres » « sous l'autorité de l'évêque » reçoivent pour mission d'aider les communautés paroissiales à vivre cette communion diocésaine, et ce dans un esprit missionnaire.

Le curé occupe dans la paroisse les trois fonctions qu'occupe l'évêque dans le diocèse : la fonction d'enseignement, la fonction de sanctification et la fonction de gouvernement. « Le curé […] rend présent dans une communauté déterminée du diocèse le service multiforme de l'évêque : maître, prêtre et pasteur. » (DPME, op. cit., p. 309, n° 212).

Littéralement, le curé est celui qui prend soin (du latin cura (soin) ; l'expression soin des âmes traduit le latin cura animarum) ; il prend soin des âmes ; il a charge d'âmes (le mot âme peut prêter à confusion. Il signifie ici : personne en vie sur la paroisse. L'âme, c'est l'habitant, dans le même sens que l'utilise l'expression : « Dans tel village, il y a cinquante âmes » ; c'est-à-dire cinquante personnes, non décédées ; âme veut dire vivant). Cette charge, il ne l'assume pas isolément : d'une part, il peut être amené à travailler avec d'autres prêtres (vicaires ou auxiliaires), avec des diacres, et surtout il lui revient d’œuvrer avec des fidèles laïcs qui apportent leur contribution active, comme le dispose le canon 519 relatif aux curés.

2.2. La contribution active des laïcs

Les fidèles laïcs sont appelés à participer activement à la mission du curé, donc à celle de l'évêque. Mais ils y sont appelés au nom du « sacerdoce commun » de tous les baptisés et non pas du fait d'une ordination. « Participant à la fonction du Christ Prêtre, Prophète et Roi, les laïcs ont leur part active dans la vie et l'action de l’Église. Dans les communautés ecclésiales, leur action est si nécessaire que sans elle l'apostolat des pasteurs ne peut, la plupart du temps, obtenir son plein effet. » (AA, n° 10).

Deux remarques s'imposent : la première est que, dans le contexte de la paroisse, la contribution des laïcs n'est pas une option, que l'Église laisserait à la libre convenance du curé, elle est au contraire nécessaire à l'exercice de sa charge ; la deuxième, qui découle de la première, c'est que les laïcs ne sont pas hiérarchiquement en dessous des ministres ordonnées. Il est possible ici de parler d' « ecclésiologie de communion » entre fidèles ad intra de la vie paroissiale.

C'est aux communautés dans leur ensemble « de rendre témoignage au Christ devant les nations. » (AG, n° 37) Autrement dit, chaque communauté, ici chaque paroisse, doit être missionnaire, dans un diocèse lui-même missionnaire. C'est dire l'importance de la relation fondamentale entre les paroisses (d'où, par exemple, l'existence des doyennés) et, au-delà, de la relation entre diocèses. C'est cela que l'on appelle communément « ecclésiologie de communion ». Il y va de l'universalité de l’Église, c'est-à-dire de sa catholicité.

La dimension missionnaire des communautés chrétiennes reliées ensemble peut prendre la forme d'entraide entre Églises particulières. Une entraide qui se manifeste de plusieurs façons dans l'Yonne : apport de prêtres d'un diocèse africain, coopération missionnaire, opérations de Carême comme celles du CCFD, pèlerinages, etc.

P. Hugues GUINOT,

Chancelier de la curie diocésaine