Dieu n'habite plus ici. Les églises : l'usage cultuel en question
de Conseil Pontifical pour la Culture
Date de publication : 30/11/2018

Texte original

Texte Français

Le Conseil pontifical de la culture et les délégués des conférences épiscopales d’Europe, Canada, Etats-Unis d’Amérique et Australie, à l’occasion du colloque « Dio non abita più qui? Dismissione di luoghi culto e gestione integrata dei beni culturali ecclesiastici » qui s’est déroulé à l’Université pontificale de Rome les 29-30 novembre 2018, ont approuvé les directives suivantes, pour la Communauté ecclésiale, fruits des réflexions menées durant ce congrès.

La Conférence des évêques de France en propose une traduction française inédite, non certifiée par le Saint-Siège. Tous droits réservés.

NB de la traduction : S’agissant d’un texte à portée internationale du Conseil Pontifical de la Culture (« La dismissione et il riuso ecclesiale di chiese »), la notion d’usage cultuel dans le titre ne renvoie en aucun cas au régime juridique français de l’affectation légale au culte.


Introduction


Le problème de la désaffectation des lieux de culte n’est pas nouveau dans l’histoire, mais il est aujourd’hui porté à la connaissance des Églises par des causes liées à une situation moderne qui peut être décrite sommairement comme une laïcisation avancée, mais en même temps dans un contexte de prise de conscience accrue de la valeur historico-artistique et symbolique du bâtiment sacré et des œuvres qui y sont conservées.

Il y a déjà plus de trente ans, la Charte sur l'utilisation envisagée des anciens bâtiments ecclésiastiques de la Commission centrale pontificale pour l'art sacré en Italie (1) est apparue, ce qui témoigne de la clairvoyance avec laquelle le Saint-Siège traite ces problèmes. Cependant, ce document examinait avant tout la situation italienne et ignorait la situation d’autres nations, qui étaient déjà confrontées à des problèmes tels que le déclin des fidèles et du clergé, avec des répercussions sur la préservation du patrimoine, qui sont maintenant très répandues.

Dans l’intervalle, le phénomène a été traité avec une certaine opportunité même par certaines conférences épiscopales (2). En outre, plusieurs universités et centres universitaires d'Europe et d'Amérique du Nord ont réalisé au cours des dix dernières années plusieurs recherches utiles pour étudier et résoudre le problème d'un point de vue juridique et technique.

Le présent document propose de lire le phénomène tel qu’il se présente aujourd’hui et de proposer aux communautés chrétiennes (conférences épiscopales, diocèses, paroisses, instituts religieux) des outils pour y faire face, en prenant conscience de la grande variété de situations concrètes et de la qualité différente des bâtiments. Le phénomène du déclassement, qui est plus visible aujourd'hui dans certains pays occidentaux, devrait bientôt apparaître même dans les pays qui n'en souffrent pas encore.


1 - Le contexte socio-pastoral du sort des églises

Dans la seconde moitié du XXe siècle, l’Église s’est préoccupée de construire des lieux de culte dans les villes nouvelles. Ces dernières années, cette tendance a été ralentie par la contraction démographique de nombreuses communautés, causée par une répartition différente de la population et une mobilité accrue de celle-ci, avec une modification du rapport d'appartenance des fidèles au territoire et aux institutions ecclésiastiques territoriales traditionnelles. D'une part, les centres historiques des villes, autrefois riches d'églises appartenant à différents corps ecclésiaux, deviennent des lieux sans habitants et avec une population de fidèles vieillissante; en revanche, de nombreuses petites localités dispersés dans le milieu rural connaissent un profond déclin démographique, au point qu'il est devenu difficile pour leurs communautés chrétiennes d'entretenir de nombreux lieux de culte et plusieurs paroisses.

Dans les grands centres urbains occidentaux, en plus de la croissance de l'instabilité du sens d'appartenance et de l'anonymat, le déclin de la pratique religieuse, déterminé par diverses causes internes et externes à l'Église, a entraîné la diminution des fidèles et des ressources financières, et par conséquent a considérablement réduit le besoin d'églises. A cela s’ajoute la situation du clergé, avec beaucoup de prêtres âgés et très peu d’ordinations. Tout cela conduit à la décision d'unifier, d'intégrer ou de fusionner les paroisses, avec pour conséquence la sous- fréquentation et l'abandon des églises.

Cependant, une lecture historico-territoriale plus détaillée conduit à observer que toutes les églises qui constituent aujourd'hui le patrimoine historique n'étaient pas vouées à la charge pastorale (à l'instar des paroisses), mais constituaient l'expression de confréries, de corporations, de seigneuries, de municipalités, de représentation nationale, de familles privées et par conséquent, la multiplication des églises pourrait également représenter un instrument d’auto-représentation des structures sociales et politiques, qui pour la plupart n’existent plus ou, en tout cas, ne peuvent plus en assurer la conservation.

Les nombreux changements qui caractérisent nos sociétés et nos cultures soulèvent également des défis quant à la manière de percevoir, de mettre en valeur et de gérer le patrimoine culturel et, surtout, le nombre excédentaire d’églises dans le paysage culturel. Conscients qu'une église abandonnée ou menacée est un contre-témoignage, de nombreux diocèses décident de donner un usage non liturgique à l'édifice de culte tout en conservant la propriété de celui-ci, ou en le vendant à une institution ou à un particulier, ou quand il n'a pas une valeur historique, artistique ou architecturale, de procéder à sa démolition. Certains, en revanche, s'interrogent sur la manière d'identifier de nouvelles réponses pastorales mieux adaptées aux nouveaux besoins des personnes et des communautés à qui elles peuvent offrir des espaces à des finalités diverses : sociale, culturelle, récréative ainsi que d’accueil et de rencontre.

Lorsque le pape François affirme que "la réforme des structures, qui nécessite une conversion pastorale, ne peut être comprise que dans ce sens: les rendre toutes plus missionnaires" (3), fait certainement allusion à notre thème. L'investissement dans l'élan missionnaire de l'Église peut contrecarrer les processus de sécularisation en cours.

Enfin, si l'inclusion sociale et la sauvegarde de la création (question écologique) sont les deux défis fondamentaux de notre époque (4), imputables au défi plus large de "l'humanisation" de la ville et du territoire, la réutilisation fonctionnelle d'églises abandonnées pourrait également constituer une «opportunité" si elle est ramenée au principe de l’économie circulaire, qui s’inspire de la nature et repose principalement sur la réutilisation, le rachat, la régénération, le recyclage.


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Notes


(1) Pontificia Commissione Centrale per l’Arte Sacra in Italia, Carta sulla destinazione d’uso degli antichi edifici ecclesiastici / Charte sur l’utilisation des anciens bâtiments ecclésiastiques, 26 ottobre 1987, Roma 1987 (cf.«Arte cristiana», 75, 1987, pp. 410-412).

(2) L’Allemagne en 2003, la Suisse en 2006 et la Belgique en 2012 ils y ont consacré un document, tandis que d'autres épiscopats ont inclus des passages sur le sujet dans des lignes directrices sur la gestion des biens ou la gestion du patrimoine culturel. Cf. Catholic Bishops’ Conference of England and Wales, Directory on the Ecclesiastical Exemption from Listed Building Consent, 2018.

(3) François, Exhortation apostolique Evangelii Gaudium sur l’annonce de l’évangile dans le monde contemporain, 24 novembre 2013, n. 27.

(4) Cf. François, Encyclique Laudato si’ sur le soin de la maison commune, 24 mai 2015, nn. 109, 92 et 175.